Casanière peut-être, fidèle à sa terre natale, certainement. Benedict Dammann est une femme née en Provence et curieusement dotée d’un prénom masculin et américain. Calée entre les collines aixoises, elle se place en orbite. Comme Joachim du Bellay et son Anjou :
« Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux…. »1
Elle sait sa chance et la cultive avec amour. D’un horizon court, elle bâtit un empire, celui de la liberté de décider pour soi-même, tant convoitée. Personne discrète à la voix enjouée, que les chiffres si simples et sûrs, s’ils se soustraient parfois ils ne se dérobent jamais, rassurent. Pourtant elle s’oppose à ce qu’on lui propose. Elle prend le risque de déplaire à ses professeurs, alors que ses très bons résultats l’orientent vers une filière générale, elle continue en baccalauréat G2 (comptabilité), la filière « Pro » : quel vilain petit canard ! Benedict enchaîne sur un BTS comptabilité, et poursuit jusqu’au DESCF2 « Vous n’y arriverez pas ! » lui dit-on, les bacheliers scientifiques la narguent, elle les dépasse haut la main, vole la vedette. Mais le cœur a ses raisons que la raison... Trois années de stage au sein du même cabinet comptable puis Benedict s’arrête juste avant l’obtention du diplôme d’expert-comptable, le titre ce n’est pas son truc. Elle collabore au sein de ce même cabinet durant quelques années, les artisans lui apportent les tickets et factures dans une boite à chaussure, les restaurateurs déposent leurs malheurs, les médecins, les avocats, bref c’est un peu un grand village, et c’est ce qu’elle aime, Benedict Dammann, s’activer au cœur de la vie et de sa clameur.
Quand elle pense à son père, elle le voit, le stylo en main, concentré, organiser ses plannings de chantier, gérer ses stocks, il est plombier comme son père, une importante affaire familiale qui a participé à la construction du Marseille des années 70 et 80. Il ne se rend pas compte qu’elle observe et imprime les gestes, les préoccupations d’un entrepreneur.
Point d’exil loin des Milles ! En 2014, après une pause heureuse de quelques années pour élever ses deux enfants, c’est au sein du noyau d’origine de la zone d’activités, enfant elle voyait déjà l’enseigne de la Quincaillerie Aixoise, que Benedict Dammann crée le premier espace de coworking à Aix-en-Provence. Un ovni à l’époque. Aujourd’hui les lieux de travail se constellent, le travailleur nomade digital parcourt le monde mais tient aux pauses autour de la machine à café, échange avec des coworkers dans l’espace lounge aux murs en briques. Le futur garde du passé.
Benedict Dammann exerce un entrepreneuriat de terrain dans lequel il faut savoir tout faire et le faire. Le cœur à l’ouvrage comme l’on disait avant. Ça vit, ça pulse, cela bouge sur place, au cœur des Milles.
1Les Regrets
2Diplôme d’Études Supérieures Comptables et Financières